28.10.19
8 MIN
Comment transformer l'écosystème digital d'une entreprise industrielle

Ces dernières années, les eco-systèmes digitaux des entreprises industrielles ont très largement évolué. Et ils vont continuer en ce sens, la transformation n’étant pas une finalité.

Durant l’été 2019, j’ai pu prendre quelques heures pour poser sur le papier quelques pistes d’évolution de ces écosystèmes et les partager dans une version complète, sur mon compte LinkedIn. Ici, je vous propose de nous concentrer uniquement sur les enjeux à venir, en ajoutant quelques exemples concrets.

Avant d’entrer dans la présentation des caractéristiques des éco-systèmes digitaux en transformation, quelques précisions :

  1. par  “écosystème digital”, j’entends l’ensemble des outils marketing, commerciaux et communicationnels qui participent à la performance et à l’expérience client. Je n’aborde pas l’aspect la partie sur la digitalisation de la production et de la logistique, qui n’est pas le métier d’Intuiti.
  2. je me suis appuyé sur les échanges avec de nombreux dirigeants d’entreprise. Je pense à Jean-Gabriel Martin par exemple. Pour des raisons de confidentialité, d’autres dirigeants ne sont pas mentionnés. Qu’ils sachent, tout de même, que je les remercie amplement pour nos discussions.
  3. j’ai également extrait des illustrations d’un ouvrage qu’ont fait paraître Quentin Franque, directeur marketing à l’agence Intuiti, et le journaliste Benoit Zante chez Dunod. A nouveau, je les remercie pour leur partage et, bien entendu, vous recommande ce livre qui est une petite mine d’or (disponible sur Amazon ou à la FNAC)…

Les 7 caractéristiques des futurs éco-systèmes digitaux des entreprises industrielles

1 – L'appui sur une image de marque claire, engagée et perçue par le consommateur final

Trois raisons principales expliquent pourquoi les entreprises industrielles ont aujourd’hui, plus que jamais, besoin de travailler leur identité de marque :

1 – Le monde actuel, la société et les usages des consommateurs évoluent. C’est un fait, aucune explication n’est nécessaire.

« Nous sommes dans une période de profonde mutation sociétale, c’est plus qu’une simple crise, c’est une période qui génère davantage de doutes que de certitudes. » – François Guérin, Directeur Général, CETIH*

2 – A l’échelle des individus, comme à l’échelle des structures, les messages se multiplient. Afficher une vision commune, la faire vivre pour les différentes parties prenantes (prospects, clients, collaborateurs actuels ou futurs, investisseurs…) passe par une maîtrise des messages et de l’image en ligne. Transmettre la cohérence de leur écosystème de groupe. Un travail qui peut, sur un plan théorique, paraître simple mais qui, à l’échelle d’un groupe industriel, demande une vision claire, des moyens et du temps.

3 – De nombreux industriels cherchent à réduire la distance entre eux et le consommateur final, en lançant des sites ecommerce, en se mettant en vente sur de nouveaux canaux… Mais, en B2C comme en B2B, les chances de réussites de tels projets dépendent en partie de la connaissance et de la crédibilité de la marque pour le client final.

2 – La mise en place de stratégies de contenus

Pour parvenir à diffuser leur image de marque, une part croissante d’industriels décident d’investir dans des stratégies de contenus. Le terme « Inbound Marketing » a d’ailleurs été créé pour décrire cette tendance croissante dans les stratégies marketing des entreprises industrielles, mais qui ne fait que reprendre une envie vieille comme le monde : faire venir le consommateur à soi.

Lire à ce sujet : Les 5 tendances des stratégies de contenus en 2019

Grâce à ces stratégies, certains industriels prennent de l’avance sur leurs concurrents. Simplement parce qu’ils sont en phase avec les usages actuels. Pour les professionnels du marketing digital, le chiffre le plus important de cette année 2019 pourrait bien être celui-ci : aux Etats-Unis, désormais, moins de 50% des recherches sur Google aboutissent à un clic sur un résultat. Que veut dire cette statistique datant de juin 2019 ? Qu’il est aujourd’hui, plus que jamais essentiel, de produire des contenus de qualités, que les robots de Google afficheront nativement.

Moins de 50 des recherches sur Google aux US aboutissent à un clic

Parmi les nombreux acteurs industriels qui font ce travail de contenu, on peut notamment citer Bosch en France et General Electric aux Etat-Unis. Avec, “The Message”, une série de podcasts 8 épisodes de science-fiction, la firme ne s’adresse pas forcément à ses cibles, mais à tous les passionnés :

3 – Des écosystèmes au service des équipes commerciales

« It opened up a new story medium for us, something we hadn’t done, and with a new audience. Not necessarily a different audience–they may be engaging with us in other ways–but sometimes when you engage with an audience in a different form it takes on a whole new association, which is good. » – Andrew Godberg, ex Chief Brand Officer, General Electric US

Pour réussir dans ces stratégies de contenus, et comme le montre l’exemple de GE, il est nécessaire de rédiger des articles mais aussi de s’ouvrir à de nouveaux formats : la vidéo et l’audio. Tout simplement parce que, dans les années à venir, Google aura tout intérêt à afficher ces formats en haut des recherches. Car, qui dit davantage de formats de contenus, dit davantage de formats publicitaires et donc de revenus pour les régies.

A l’avenir, les écosystèmes digitaux seront encore moins des vecteurs de communication, mais toujours plus des vecteurs de ventes. Aujourd’hui, les 4 principales classes de KPI observées sont les suivantes :

  • La qualité des visites (vs. capacité de réponse des moteurs de recherche) + implication + engagement
  • L’influence (nombre de partages et qualité de partages)
  • L’interactions clients
  • Les interactions commerciales (nombre de RDV, de business AO…)

L’évolution des outils de mesure et de la place du digital dans les entreprises, aux-côtés de la direction générale, va nécessairement amener les acteurs à conserver ces KPIS, tout en les confrontant à des KPI globaux : le CA et la marge. En février 2018, Guillaume Borie, directeur de l’innovation du groupe AXA, prenait la parole pour annoncer « que le groupe sifflait la fin de la récré ». En clair : l’innovation sera désormais passée au crible des résultats. Certes, il s’agit d’un groupe non-industriel. Certes, il s’agit d’innovation. Mais la donne sera la même pour ce qui est de la communication dans les groupes industriels.

« Former nos commerciaux à un usage pertinent des réseaux sociaux est aujourd’hui une priorité et nous travaillons sur le sujet. » – Stéphane Gendrot, VP Business Development, Lacroix Electronics*

Pour y parvenir, les méthodes doivent évoluer. Et, une nouvelle fois, un nouvel anglicisme a été trouvé pour décrire un ensemble de pratiques : celui du Social Selling, c’est à dire l’usage des outils digitaux – et en particulier des réseaux sociaux – à des fins commerciales.

Lire à ce sujet : Baromètre Social Selling 2019, La Poste Solutions Business & Intuiti

4 – L'interfaçage avec de nouveaux canaux de distribution online

De plus en plus de secteurs d’activités disposent de sites de distributions en ligne. Mais ces sites sont mono-activités. Progressivement, de nouveaux canaux « globaux » vont arriver. On pense à Amazon bien sûr. Mais, demain et même si on en est encore loin, un acteur comme LinkedIn pourrait aussi s’y mettre.

Aujourd’hui, sur ce sujet, les acteurs les plus avancées sont surtout des fabricants de biens de consommation, comme les fournitures de bureaux (prédiction de 50% des ventes réalisées en e-commerce à partir de 2020, un chiffre que l’on retrouve dans les faits avec Manutan par exemple qui annonçait déjà réalisé 40% de ses ventes B2B en ligne, en 2017) ou l’IT (prévisions à 41%).

Des secteurs d’activités pour qui la transformation est déjà bien engagée, notamment depuis l’arrivée de Amazon Business en France (pour le moment, uniquement sur des achats à faible valeur ajoutée – les achats de classe C – mais un CA mondial qui a dépassé la barre des 10 milliards en 2018).

« Nous offrons aux entreprises la possibilité de trouver, en un seul lieu et en quelques clics, à plus de 250 millions de produits. C’est un gain de temps et d’efficacité. Et ce chiffre augmente régulièrement car nous sourçons tous les jours de nouveaux fournisseurs. » – Amélie Veron, Responsable d’Amazon Business France

Moins en vue, la croissance de l’e-commerce dans des secteurs industriels plus traditionnels arrive progressivement. Avec parfois autant d’envie que de freins…

« L’entreprise a décidé d’intégrer le digital comme un pilier de la stratégie, dans le sens d’un digital “tourné vers le client”. Mais la réalité est que nos clients ne nous attendent pas encore là-dessus, même s’il y a eu des mouvements et de grandes annonces chez certains d’entre eux. Nous avons même débuté un projet assez novateur avec un client, mais il a été remis dans les cartons assez vite… » – Benoit Marcesche, Digital Officer, Socomore*

5 – Le développement d’approches Direct-To-Consumer

« En tant qu’industriels, nous sommes bien placés pour créer le plus court chemin entre un produit et son consommateur. » – François Guérin, Directeur Général, CETIH*

Les approches DTC (Direct-to-consumer) se mutiplient. Pour trois raisons principales :

  • Protéger et retrouver de la marge en réduisant le nombre d’intermédiaires dans la chaine de valeur
  • Ajouter de nouveaux potentiels de vente
  • Accéder à de la donnée client

« Il y a aussi un sujet « Direct-to-Consumer » : en complément de nos réseaux de distribution classique, pourquoi ne pas développer nos propres canaux de vente ? C’est déjà le cas au Japon ou en Turquie, ou pour notre marque haut-de-gamme WFM. La question se pose maintenant de déployer cette approche plus largement. » – Guillaume Planet, Vice Président Marketing et Digital Media du Groupe Seb*

Des approches qui font aussi sens pour les clients, à la recherche de parcours d’achat toujours plus fluides et directs. Et dont la difficulté est relative à la valeur ajoutée apportée par les distributeurs.

« Le groupe a mené une verticalisation de ses activités et intègre désormais la distribution de ses produits. L’objectif est d’être moins dépendant des distributeurs qui prennent des marges importantes, et qui n’ont pas de valeur ajoutée majeure au niveau logistique, car la livraison et l’installation du produit sont simples. » – Stéphane Decayeux, DG du groupe Decayeux*

6 – L’ouverture à un écosystème de partenaires

Ces projets s’accompagnent souvent d’une ouverture à un éco-système de partenaire.

Car le client ne veut pas uniquement acheter des produits de la marque sur son site ecommerce. Il veut aussi d’autres produits proches. Qui n’essaye pas, en effet, au maximum de maximiser les coûts et les ennuis de livraison en réalisant une grosse commande plutôt que plusieurs petites.

Deux exemples sur ce sujet :

  • la marketplace de HP
  • Koov, développé par CETIH et qui présente des produits du groupe, mais aussi de partenaires : Poujoulat, De Dietrich, Delta Dore

7 – L’intégration des services

« Mycolisbox a transformé le métier de Decayeux : avant, nous vendions un produit (des boîtes aux lettres), maintenant nous vendons un service. » – Stéphane Decayeux, DG du groupe Decayeux*

En complément de leur métier historique, certains industriels se sont lancés dans la mise à disposition de services. Des investissements qui font davantage sens s’ils sont totalement intégrés dans l’écosystème digital des entreprises et accompagnent le client final tout au long de son parcours d’achat.

3 exemples concrets d’éco-systèmes en mutation, sur lesquels vous pouvez vous appuyer

Pour ne pas en rester uniquement sur des considérations théoriques, je suis allé vous chercher quelques exemples concrets de transformation en cours. En voici trois :

  • L’éco-système digital du Groupe LACROIX, équipementier technologique internationale, dont l’histoire a été racontée ici
  • Les concurrents Manitou et Caterpillar (voir à ce sujet l’organisation du site corporate caterpillar.com et des sites produits déclinés cat.com)
  • Lear, qui a réalisé un immense travail, ces dernières années, pour structurer sa vision, son discours et son offre à l’ensemble des (nombreuses) parties prenantes

* Extraits du livre “Les défis de la transformation digitale : 27 décideurs de l’industrie témoignent de leur expérience”, Août 2019, Editions Dunod


Pour aller plus loin, téléchargez les slides issues de notre dernier webinar

Nous y présentons nos bonnes pratiques et retours d’expérience pour réussir à allier plusieurs métiers essentiels en vue d’une refonte de site. Cliquez ici ou sur l’image ci-dessus pour télécharger les slides de présentation ????


Christian Collot

Christian est le directeur général Intuiti.